Peachment Place, 6 town housing, Bury (Royaume-Uni). Exemple d'habitat anglais, de type Extra-Care
Evoquons ici l’extra care : modèle d’habitat pour personnes âgées, popularisé et institutionnalisé par le ministère de la Santé anglais au début des années 2000. Marion Ille-Roussel, doctorante en étude urbaine au sein du Centre de Recherche pour l’Habitat, investie dans la problématique du logement social et du vieillissement, nous parle de cet habitat qui invite à dépasser la dualité dépendance/autonomie.
Publié le 20 janvier 2023
Pour répondre au vieillissement accru de la population et au souhait d’une majorité de personnes de vieillir à domicile, la « réinvention des lieux du vieillir » s’impose. Depuis les habitats collectifs adaptés aux résidences services jusqu’aux lieux tiers, les solutions alternatives ou complémentaires aux établissements se développent, notamment dans le parc social. Leur spécificité : au-delà de l’aménagement technique, la proposition de services visant à préserver l’autonomie et la qualité de vie des personnes. Mais jusqu’où associer lieux de vie et de soins ? Quel lien social susciter au sein de la résidence, avec l’extérieur ? Illustration avec l'exemple de l'Extra care en Angleterre.
L’« Extra care », qu’est-ce que c’est ?
Marion Ille-Roussel, doctorante, Centre de Recherche pour l'Habitat
Marion Ille-Roussel : Les résidences anglaises de logement social sur le modèle de l’Extra care sont réservées aux personnes de 55 ans et plus, avec des revenus compris dans les barèmes du logement social. Celles-ci regroupent des logements indépendants (T1 au T2) ainsi que des espaces partagés dans une résidence adaptée et sécurisée. La proximité avec commerces et services extérieurs du territoire est privilégiée en tant que possible.
Ce qui distingue ce type d’habitat est l’accueil de trois profils de personnes seniors. La première catégorie concerne les personnes autonomes. Elles peuvent être intéressées par des logements accessibles, un cadre rassurant et des espaces favorisant le lien social pour lutter contre l’isolement. La deuxième catégorie regroupe les personnes engagées dans le processus de perte d’autonomie. Celles-ci nécessitent une aide régulière. Enfin, le troisième groupe est constitué de personnes à l’autonomie restreinte, ayant besoin d’une aide aux tâches du quotidien mais pas d’un soutien médical continu.
Qu’en est-il en matière de services ?
Les personnes accueillies peuvent faire intervenir les organismes de service de leur choix ou bénéficier de l’accompagnement proposé sur place. Ce dernier inclut le plus souvent un service de téléassistance pour soutenir la sécurité des personnes et des services d’aide à domicile pour faciliter les tâches du quotidien (habillement, courses, ménage…).
En complément, dans le logement social, un représentant du bailleur est présent aux heures ouvrées pour répondre aux questions liées au logement (techniques et administratives) et faciliter la vie dans la résidence. Les activités collectives sont organisées à l’initiative des résidents les plus actifs et déployées dans des espaces partagés de la résidence pour favoriser le lien social. Le représentant du bailleur a pour rôle de favoriser ces moments de convivialité entre les résidents, et fait le lien avec les acteurs externes locaux. Ce qui peut faciliter leur intervention ou participation aux animations et soutient l’ouverture au quartier.
Tout l’intérêt de cet habitat réside dans la mutualisation des services pour les personnes alors même que l’intensité et la fréquence de l’aide apportée diffèrent d’une personne à l’autre, voire d’un moment de vie à l’autre pour une même personne. L’objectif est bien de permettre aux personnes, autonomes à leur entrée dans le logement, d’y rester le plus longtemps possible, en augmentant leur accompagnement au fur et à mesure du besoin, tout en gardant une variété de publics accueillis.
La part des 3 groupes logés dans les Extra Care doit être similaire…
En mélangeant les publics, les gestionnaires, concepteurs et décideurs municipaux souhaitent attirer des seniors actifs pour éloigner leur résidence de l’image de "mouroir" ou d’"espace médicalisé". Cependant la place de publics à l’autonomie restreinte au sein de la résidence tend à maintenir les représentations associant vieillesse et dépendance. L’expérience montre que de "jeunes seniors" ne se reconnaissent pas dans l’image que cet habitat renvoie d’eux.
Par ailleurs, le modèle économique de ces résidences s’appuie sur un mixte de bénéficiaires et non-bénéficiaires du service proposé sur place. En effet, leur organisation repose sur un nombre minimal et maximal d’utilisateurs pour couvrir les coûts de fonctionnement. Or les personnes nécessitant l’attribution d’un tel habitat le plus rapidement possible sont généralement celles en perte d’autonomie avancée. Une difficulté peut donc résider dans le nombre trop élevé de demandes de ces personnes. Ou inversement, si les résidences sont occupées majoritairement de personnes autonomes, un service en continu n’est pas rentable pour les organismes d’aide à domicile.
A cette question peut s’en ajouter une autre, liée à la capacité des personnes demandeuses de services à en assumer le coût. Compte-tenu du système anglais, pour beaucoup, les locataires représentent des personnes à faibles ressources, ayant accès au logement social et bénéficiant d’aides couvrant le plus souvent les coûts du loyer et de l’aide à domicile. Cependant certaines personnes, au-dessus des barèmes des aides, doivent financer elles-mêmes les charges et services propres à ce type d’habitat.
Comment la gestion de ces habitats s’organise ?
Pour veiller à l’équilibre, la gestion de ce type d’habitat s’appuie sur un comité mixte d’attribution des logements : présidé par les communes, il inclut la participation du bailleur social et de l’organisme de service. Au-delà de l’éligibilité au logement social, les attributions prennent en compte le besoin en services des demandeurs, leur capacité à les financer, ainsi que les capacités des organismes de service à les déployer.
Par ailleurs, la gestion de ce type d’habitat fait face à un autre enjeu : identifier le moment où la perte d’autonomie des personnes devient trop importante pour la structure. Pour opérer ce type de décision, complexe, l’organisation de ce type d’habitat doit là-encore s’appuyer sur la participation du gestionnaire de l’habitat et du service, mais aussi sur celle des personnes en perte d’autonomie (avancée) et de de leur famille.
En savoir plus : What is extra care housing, independent age website