« L’intelligence collective vise à créer des situations d’étonnement, à apporter un regard profane indispensable »

Sébastien Legouteil, Directeur Général de Quevilly Habitat

Sébastien Legouteil, Directeur Général de Quevilly Habitat

Implantée dans la Métropole Rouen Normandie, Quevilly Habitat est l’un des quatre bailleurs sociaux de ce territoire. Cette entreprise sociale de l’habitat loge plus de 20 000 personnes sur 18 communes. Sébastien Legouteil, Directeur Général de Quevilly Habitat depuis deux ans, partage son expérience dans la conduite d’un projet stratégique refondé.

Publié le 25 juin 2024

Vous parlez de « logement comme projet de vie ». Pourquoi ?

Sébastien Legouteil : Si le logement est seulement considéré comme une performance technique, on passe à côté de sa vocation pour le locataire, celle d’un projet de vie. De plus ce qui se passe à l’échelle d’un habitat est bien souvent à l’image de ce qu’on vit dans la société. Cela concourt à qualifier le logement comme un projet de vie pour soi, également au milieu des autres.

Un bailleur, confronté dans son activité aux problématiques de la société, s’intéresse aux parcours de vie des locataires, a besoin de modularité dans la manière de construire, s’attache à diversifier les publics au sein d’un habitat collectif, d’un quartier.

Quels sont ces sujets de société ?

Sébastien Legouteil : Accueillir des publics de plus en plus fragiles en termes de revenus et de situation sociale tout en stabilisant et en soutenant la mixité sociale ; accompagner le vieillissement (32% de nos locataires ont plus de 65 ans) ; également bien entendu lutter contre la précarité énergétique. Ce sont des priorités, c’est aussi notre responsabilité de bailleur social. La paupérisation en particulier met à mal le bien-vivre des personnes, et peut affecter la qualité de vie de tous.

Grand Couronne

Grand Quevilly

Grand Quevilly

Grand Quevilly

Quelles actions menez-vous aujourd’hui, par exemple ?

Sébastien Legouteil : Nous avons mis en place une équipe de tranquillité et de médiation, présente chaque jour de 14h à 4h du matin. Cette initiative est très efficace pour contenir les dérives, opérer une médiation entre des voisins qui ne se parlent plus, ou avec des locataires qui ne respectent pas le règlement d’habitation. Également pour avoir une remontée de terrain utile à la prévention des troubles.

Nous assumons son organisation, en coordination avec la collectivité qui, elle, a en charge la police municipale et les questions d’insécurité. Cette action a un coût mais il s’agit de coûts compensés, car nous évitons des dégradations sur le patrimoine ou la gestion de problèmes qui s’envenimeraient, nuisant au bien-vivre ensemble comme à l’attractivité du parc.

A l’avenir, je souhaite que notre rôle dans l’animation des quartiers se renforce. Nos équipes de proximité sont une force qui, au-delà de leurs missions de propreté, apportent du lien social. Je pense notamment aux locataires âgés, qui souffrent d’isolement ou qui ont des difficultés avec l’outil numérique.

Y a-t-il d’autres chantiers que vous souhaitez développer ?

Sébastien Legouteil : Soutenir la mixité sociale dans une logique économiquement soutenable, passe par l’introduction de nouvelles offres : la colocation intergénérationnelle, jeunes et seniors, sur de grands logements existants, et l’accession à la propriété par exemple. Pour cela, nous intégrons de nouveaux métiers - promotion immobilière, syndic social de copropriété. Nous visons de réaliser nos premières ventes en collectif pour le second semestre 2024.

Par ailleurs, nous luttons contre la précarité énergétique : certaines de nos surfaces de toiture se prêtent à l’installation de panneaux photovoltaïques, qui pourraient alimenter les parties communes de nos résidences en électricité d’origine renouvelable, optimisant les charges au passage. Plus fondamentalement, la transition écologique passe par une relation renouvelée à l’environnement et par des mesures de soutien à son acceptabilité sociale. Il y a beaucoup à imaginer.

Rouen

Maromme

Elbeuf

Comment animez-vous cette capacité à avancer ?

Sébastien Legouteil : Notre démarche avance pas à pas, avec les moyens que nous avons, avec notre capacité à faire évoluer nos métiers. Et cette énergie est importante. Depuis que je suis entré en fonction il y a deux ans, je m’attache à la mobiliser. Les défis s’imposent à nous et concernent des besoins fondamentaux, donc on doit y aller. Être pragmatique, expérimenter ensemble, accepter de rebondir quand ce n’est pas concluant. Nous avons créé un service d’audit interne pour partager les progrès et aider à ajuster le tir là où c’est nécessaire.

Pouvez-vous revenir sur la mise en place de votre projet d’entreprise.

Sébastien Legouteil : En 2022, le point de départ fut la définition d’une politique générale. J’ai proposé des orientations à notre gouvernance - la collectivité, puis les ai partagées avec le Codir et les managers. Ce fut une étape importante car l’absence de perspectives minait le climat de l’organisme, et son projet était tombé en désuétude. Il était essentiel de redonner du sens au collectif, à l’organisme en tant que personne morale.

M’appuyer sur la RSE a été un tremplin. Au-delà des exigences sociales, environnementales et économiques qu’elle porte, elle a permis de structurer la mobilisation collective des 230 collaborateurs autour du projet d’entreprise. Nous avons mis en place des groupes de travail pour faciliter l’appropriation des enjeux et identifier ensemble des solutions.

Pourquoi avez-vous choisi cette approche collective ?

Sébastien Legouteil : Aller au-delà des silos est un travail de longue haleine, mais je pense essentiel de se libérer d’un fonctionnement cloisonné et d’expertises dogmatiques. Quand on est trop expert, on a tendance à voir les problèmes avant de voir les opportunités. L’intelligence collective vise à créer des situations d’étonnement, à apporter un regard profane, indispensable pour trouver des réponses adaptées aux besoins.

Certaines situations complexes demandent à ce que l’on soit plusieurs à les gérer. L’intelligence collective apporte un éclairage indispensable à la décision, et cela ne m’empêche pas de trancher. Je sais aussi que certaines analyses ne relèvent pas du processus collectif et il m’incombe de les gérer. Il s’agit notamment de la cartographie des risques.

Comment cette démarche a-t-elle été accueillie ?

Sébastien Legouteil : Au départ, cette démarche a constitué une nouveauté, et une nouveauté, en soi, est rarement accueillie facilement. Le changement s’accompagne et le rôle des RH est majeur.

Par ailleurs, le projet d’entreprise inclut la définition d’une politique sociale, qui concerne directement les collaborateurs, les associer est donc essentiel. Cela participe à refonder le rapport au travail et plus globalement à retisser progressivement un système qui promeut la confiance.

S’il peut y avoir de la défiance au départ, une crainte que les dés soient pipés, je constate qu’il y a eu aussi un sentiment de surprise agréable. Les équipes n’ont pas l’habitude d’être sollicitées à 360°. Il faut un peu de temps mais une fois les équipes convaincues, cela crée une dynamique probante

Est-ce que l’Intelligence Artificielle impacte(ra) tout cela ?

Sébastien Legouteil : Il va falloir apprendre à l’utiliser de façon opportune, à l’adapter à nos métiers. Je suis très attentif à ce que l’informatique soulage les équipes de tâches répétitives ou optimise nos coûts, en préservant leur intervention qualitative.

En tant que bailleur social, on est attendus, par les résidents et également par les élus, sur la proximité que nous apportons aux personnes. Celles-ci ont besoin de rencontrer leurs interlocuteurs, nous avons tout à gagner à renforcer le rôle de nos équipes en lien avec élus et habitants.

Agences Quevilly Habitat

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