RSE, boussole durable et nécessaire pour les entreprises

Les crises environnementales, sociales, économiques et politiques, soulignent la nécessité de s’adapter, de se transformer. Une nécessité liée aussi au caractère épuisable des ressources naturelles et au besoin de les préserver. Une nécessité qui invite chacun, et notamment les entreprises, à mieux prioriser « la réduction des risques, l’équité et la justice dans les choix de développement », selon le GIEC dans son récent rapport sur l’urgence climatique. Dans quelle mesure la démarche RSE, fondée sur une analyse systémique de l’entreprise et de son impact, permet-elle de définir et rendre compte d'une stratégie durable ? Parole à Anne Behlouli, chargée de mission Habitat Responsable chez DELPHIS.

Quelle est la place de la RSE pour les entreprises dans le contexte actuel ?

Anne Behlouli : Les crises successives et scandales de ces dernières années ont rendu les risques ESG (Environnement, Social, Gouvernance) bien plus tangibles pour les organisations. Outre les problèmes d’approvisionnement comme le secteur de la construction a pu l’expérimenter pendant la crise sanitaire, on constate de manière plus globale une demande forte de transparence à la fois sur les risques et sur les actions mises en place pour y faire face. L’actualité pousse également à l’action, qu’il s’agisse de l’urgence à l’action climatique mise en évidence par le dernier rapport du GIEC, ou encore de la place du logement dans la crise sanitaire pour ne citer qu’eux. Ces crises successives illustrent, s’il le fallait, la nécessité et l’urgence de mieux prendre en compte les critères sociaux et environnementaux dans la conduite des activités pour répondre aux ambitions d’une économie solidaire et durable.

 

On constate de nombreuses évolutions réglementaires au niveau européen pour soutenir la prise en compte des dimensions environnementales, sociales et de gouvernance. Qu’en est-il ?

Anne Behlouli : Ces évolutions réglementaires (Taxonomie, Règlement SFRD, projet CSRD) sont la traduction d’une ambition européenne plus large. L’objectif poursuivi par la Commission européenne est de mettre en place les jalons qui permettront d’aller vers une économie plus durable et inclusive. Cela passe par l’émergence d’un système financier en alignement avec le pacte vert européen, cet ensemble de principes et de mesures visant la neutralité carbone à l’échelle du continent d'ici 2050.

Une information fiable, de confiance, harmonisée et comparable est cruciale en termes d’évaluation de la performance « durable » des acteurs et des projets. Or, le cadre législatif actuel européen, qui s’est traduit en France par la Déclaration de Performance Extra-financière en 2017, n’est pas jugé suffisant. On constate une absence de standardisation des dispositifs de reporting, et de fait un niveau de comparabilité et de fiabilité des informations insuffisantes.

Pour répondre à ce besoin, la Commission européenne met en place des textes clés qui vont structurer et renforcer les exigences de transparence via le reporting pour les entreprises et pour les acteurs de la finance à impact. Le but de ce cadre légal est de créer des flux consistants et cohérents d’informations extra-financières. Ce qui permettra leur évaluation à l’instar de ce qui se fait pour les informations financières, plus matures, pour mieux soutenir les projets/activités durables.

 

S’agit-il d’une révolution du reporting RSE pour les bailleurs ?

Anne Behlouli : S’il ne s’agit pas d’une révolution au sens où ces tendances existent depuis plusieurs années, notamment dans le secteur de l’habitat social, les évolutions en cours sont structurantes. Le projet de directive européenne sur le reporting de durabilité (CSRD) va par exemple permettre de clarifier et de cadrer les informations obligatoires partagées par les entreprises, notamment par l’introduction de normes de reporting qui sont attendues d’ici la fin de l’année. Parmi les organismes concernés par cette obligation : les organismes de logements sociaux publiant une DPEF (Déclaration de Performance Extra-Financière). Le champ d’application devrait être progressivement élargi* et le texte influencera la pratique du reporting RSE et plus largement de la RSE.

 

Dans quelle mesure le reporting RSE peut-il « aider » le bailleur social à mieux agir ?

Anne Behlouli : Au-delà de l’obligation réglementaire, les évolutions en cours soulignent combien le reporting RSE est incontournable pour les acteurs afin de démontrer leur contribution à une économie durable sur le territoire, dans une logique de transparence et de preuve, et de suivre leur démarche responsable dans le temps.

Ainsi, par exemple, le principe de la double matérialité est consacré dans la proposition de refonte du cadre de reporting RSE européen. Il impose de prendre en compte dans son analyse l’ensemble des impacts possibles, que ce soit sur la performance financière de l’organisme que sur l’ensemble de l’écosystème dans lequel l’entreprise s’insère (la société, son environnement, etc.). Cette approche est à mettre en lien avec la stratégie de l’entreprise : comment ces risques et enjeux sont intégrés dans sa stratégie ? Quels sont ses objectifs ?

En outre, le futur reporting imposera le partage d’objectifs en matière de durabilité et la présentation d’éléments de progrès en lien avec ces objectifs. Les entreprises quittent une logique de restitution pour une vision prospective, en présentant une trajectoire.

Enfin, l’accent est mis sur l’analyse des risques et des enjeux, qui est un outil intéressant pour alimenter une stratégie. Par son approche systémique, la RSE interroge l’activité des bailleurs à 360° et en cela peut être un facteur de meilleure prise en compte de son environnement dans sa stratégie, et donc de résilience. Des qualités qui ont tout leur intérêt au regard du contexte et de l’interdépendance des phénomènes actuels : sociaux, énergétiques, environnementaux, économiques, politiques, numériques.

 

Textes de références :

* Toutes les grandes entreprises respectant 2 des 3 critères suivants : >250 effectifs, >20M€ de bilan et >40 M€ de CA

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