
Logement social et transitions sociales et environnementales : enjeux, coopérations, retours d’expérience
Organisé par DELPHIS, cet événement avait pour objectif de réunir des bailleurs sociaux, membres ou non de l’association, afin de croiser les regards, partager les expériences et renforcer la dynamique collective autour de la RSE dans le secteur de l’habitat.
Contexte économique, environnemental, social ou territorial : le logement social se situe aujourd’hui au cœur de multiples transitions. Face à ces enjeux qui s’entrecroisent, une question se pose : comment les bailleurs sociaux peuvent-ils agir concrètement ? Et comment faire de la RSE un véritable levier stratégique au service de leur mission ?
Le logement social, au carrefour des transitions sociales, économiques et environnementales
Helene Peskine, Directrice générale adjointe « coordination réseau territorial » et Directrice du développement, de la recherche, de l'innovation et de l'international au Cerema, Camille Viros, Cheffe d’Unité, Croissance Inclusive dans les Villes au sein de l’OCDE-OECD, et Pierre Madec, Économiste au département Analyse et prévision de l’OFCE ont mis en évidence l’ampleur des mutations économiques, sociales et environnementales qui redessinent en profondeur le logement social. L’inflation, la hausse des coûts, la pression sur le foncier et la contraction des marges budgétaires fragilisent les capacités d’investissement des bailleurs. Dans le même temps, les ménages subissent un poids croissant du coût du logement, des inégalités accentuées dans les grandes villes, des parcours résidentiels plus instables et une précarisation marquée des jeunes.
À ces tensions s’ajoutent des vulnérabilités environnementales croissantes : exposition à la chaleur, risques d’inondation, pression sur les ressources… Le changement climatique impose une adaptation rapide du parc social pour éviter des coûts sociaux et territoriaux plus lourds.
Ces transitions, désormais structurelles, modifient les conditions mêmes de production, de gestion et d’accès au logement social. Elles obligent à hiérarchiser les investissements, à mieux comprendre les vulnérabilités et à agir à l’échelle du quartier et de la ville, au-delà du seul bâtiment.
Cette table ronde introductive a souligné une convergence : pour rester un acteur central, le logement social doit anticiper les risques, renforcer l’accompagnement des publics fragiles et s’appuyer sur un cadre politique et financier solide. L’avenir du modèle repose ainsi sur sa capacité à concilier contraintes économiques, adaptation environnementale et mission de cohésion sociale, afin de maintenir son rôle structurant dans la résilience des territoires.
L’adaptation au changement climatique : un enjeu clé, une nécessité de mobilisation collective
Le changement climatique est aujourd’hui un défi majeur pour les bailleurs sociaux comme pour les territoires : impacts sur le bâti, impacts financiers, enjeux assurantiels… et enjeux humains.
Anne-Marie Levraut, Vice-présidente de l’Association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT), a ainsi présenté le projet mené en partenariat avec DELPHIS pour soutenir et développer l’action des bailleurs sociaux en matière de sensibilisation, prévention et accompagnement des habitants faces aux risques climatiques, en collaboration avec les acteurs locaux. Une illustration concrète d’engagement collectif face à un défi commun.
Faire de la RSE un levier stratégique
Face à ces enjeux, la RSE s’intègre progressivement à la stratégie des organismes de logement social, comme en ont témoigné Sabine Campion, Chargée de mission RSE – Développement Durable (Reims Habitat), Florence Quint, Directrice impact et innovation (Maisons et Cités) et Henry Neveu, Chef de projet RSE / innovation (Domofrance). Cette évolution se fait en réponse aux transformations économiques, environnementales et sociales, dans un cadre réglementaire de plus en plus structurant.
Tous trois ont rappelé comment la fonction RSE s’est institutionnalisée, s’est dotée d’une gouvernance dédiée et s’est ancrée dans les documents stratégiques.
Les intervenants ont identifié plusieurs leviers essentiels pour faire de la RSE une démarche pleinement stratégique, au premier rang desquels le portage et l’implication de la Direction. La structuration d’un reporting RSE apparaît également indispensable : mise en place d’indicateurs fiables, recours à des référentiels tels qu’EurHo-GR®. Tous ont aussi souligné l’importance des échanges entre pairs, qui contribuent à diffuser des pratiques solides et harmonisées.
La co-construction et la priorisation des actions sont apparues comme des conditions clés pour ancrer la RSE dans le quotidien des équipes et assurer un pilotage durable. À la croisée des transitions, la RSE s’affirme ainsi comme un levier structurant de transformation pour les organismes de logement social.
Les participants ont illustré ces dynamiques par plusieurs actions déjà engagées :
- Maisons & Cité déploie un plan stratégique climat incluant la décarbonation du patrimoine, l’utilisation de matériaux bois et biosourcés, la sensibilisation interne, des actions de sobriété numérique et des démarches telles que le SPASER ou la fresque du climat.
- Reims Habitat développe une approche de résilience du patrimoine bâti et non bâti, fondée sur un outil de cotation couvrant 15 défis de résilience pour orienter les chefs de projets.
- Domofrance agit sur la biodiversité dans le cadre du programme « Entreprise engagée pour la nature », avec une cartographie des espaces, l’analyse des impacts et dépendances, et des actions sur l’artificialisation, la gestion durable et la sensibilisation des parties prenantes.
Face à un environnement réglementaire évolutif et incertain, les intervenants soulignent l’importance de la poursuite des dynamiques engagées pour répondre aux enjeux auxquels bailleurs et territoires font face.
Tous convergent également sur un point : anticiper nécessite des outils robustes et un appui collectif fort.
Structurer sa démarche et son reporting pour répondre aux attentes des financeurs
La transition écologique s’impose désormais comme un axe stratégique majeur pour les bailleurs, mais aussi les acteurs financiers, comme l’a souligné la dernière table ronde de la journée, qui a réuni Yona Kamelgarn, Responsable du pôle Reporting Durabilité du Groupe Caisse des Dépôts, Jean-Christophe Robic, Responsable Programme Green & ESG au sein de la Caisse d’Epargne, Magali Rama, Cheffe du service RSE & Innovation de Paris Habitat et Antoine Bance, Directeur des finances, de la performance et de la qualité chez Habitat 76.
Le groupe BPCE, avec sa « vision 2030 », place les critères ESG au cœur de son modèle, en misant sur la transformation interne des métiers et en instaurant un dialogue systématique sur ces sujets avec ses clients. Une attention particulière est portée aux projets liés à la rénovation énergétique, la décarbonation, aux énergies renouvelables ou encore à la biodiversité.
Acteur incontournable, la Caisse des Dépôts réaffirme son rôle de financeur de long terme du logement social, en intégrant les enjeux climatiques : réduction de l’empreinte carbone et adaptation du parc, en lien avec la protection de la nature.
La Caisse des Dépôts et BPCE consolident par ailleurs leur accompagnement du secteur avec des financements ciblés complétés par différentes formes d’appui méthodologiques pour aider les bailleurs à structurer et déployer leurs démarches ESG.
Face aux attentes croissantes des partenaires financiers, Habitat 76, dont la démarche RSE a déjà fait l’objet d’une évaluation ISO 26000, a choisi d’appliquer volontairement les principes de la règlementation CSRD, bien que n’y étant pas soumis, via une analyse de double matérialité et la publication d’un rapport de durabilité.
Enfin, Paris Habitat a illustré la montée en puissance de la finance durable dans le secteur. L’obtention d’un prêt à impact adossé à ses performances RSE a contribué à renforcer le positionnement stratégique des enjeux ESG et à soutenir l’amélioration continue de la démarche.
Retour en images
La journée s’est conclue avec l’intervention de Charlotte Limousin, Déléguée Générale de DELPHIS, qui a réaffirmé l’objectif de cette rencontre : croiser les regards, partager les expériences et renforcer la dynamique collective autour de la RSE dans le secteur de l'habitat.
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