Nouvelle agence de Cournon, 2022, Auvergne Habitat
Après une croissance externe (2017-19) qui en fait le premier bailleur social d’Auvergne, et une période Covid tendue (2020-21), Auvergne Habitat se réinvente autour d’un nouveau projet stratégique. « C’est notre responsabilité de donner accès au logement à tous, et de faire du logement un levier vers l’emploi. Nous nous appuyons sur une démarche RSE renouvelée pour progresser vers un équilibre écologiquement soutenable, socialement équitable et économiquement pérenne », Philippe Bayssade, Directeur général d’Auvergne Habitat.
Publié le 3 mars 2024
Comment s’est organisé le projet d’Auvergne Habitat ?
Philippe Bayssade, Directeur Général, Auvergne Habitat
Philippe Bayssade : En 2022, j’ai souhaité donner à notre nouvelle entité, une vision pour les années à venir qui intègre le nouveau périmètre : collaborateurs historiques et nouveaux (+ 50), territoires historiques et nouveaux (+2 départements), patrimoine historique et nouveau (+35%). Pour dynamiser cet ensemble, nous nous sommes appuyés sur la démarche RSE, vecteur privilégié pour fédérer. Notre projet stratégique, élaboré avec managers et collaborateurs, se déploie avec le concours de chefs de projets transverses associés à des référents au sein du CODIR. A fin 2023, 80% de nos actions ont été lancées et 30% ont été concrétisées.
La RSE est un levier stratégique qui prend en compte les différentes composantes d’un développement durable. Elle embarque les thématiques essentielles pour l’avenir de notre organisme. Si notre première démarche RSE a été initiée il y a 10 ans, nous relancer nous pousse à prendre conscience des changements de notre société, de notre territoire, et à faire évoluer nos pratiques. Nous avons ainsi réinterrogé nos priorités pour définir 13 orientations stratégiques, avec un plan d’action pluriannuel. Le suivi des indicateurs RSE permet d’objectiver les avancées, de savoir sur quels sujets concentrer nos efforts, et d’en rendre compte à nos parties prenantes. Je souhaite rendre notre démarche lisible et visible.
Quelles sont vos priorités ?
PB : Améliorer l’expérience client est une orientation forte. Ces dernières années, les enquêtes annuelles de satisfaction auprès des locataires ont souligné la qualité de nos logements et de notre accueil, mais ont aussi remonté des insatisfactions constantes : les locataires ont du mal à nous joindre et à obtenir une réponse à leurs réclamations, notamment techniques.
Pour remettre le locataire au cœur de notre projet, nous avons identifié 3 axes de progrès : améliorer notre joignabilité avec la mise en place d’un Centre de Relations Client, réorganiser le traitement des demandes - de leur prise en compte à leur résolution finale - et mieux associer les gardiens d’immeuble à la relation locataire.
Locataires, résidences So'Seniors, 2022, Auvergne Habitat
Concrètement, comment cela se traduit-il ?
PB : Nous avons pris la décision d’aller vers un centre d’appels. Décision difficile car elle peut nous éloigner d’une relation réelle de proximité avec les locataires, à laquelle nous sommes attachés, mais essentielle aujourd’hui pour améliorer notre joignabilité. Nous souhaitons doter ce centre d’appels d’une capacité à traiter les demandes de premier niveau, et travaillons actuellement à positionner le curseur de leur action au bon niveau.
Cette initiative est complémentaire d’un rôle de proximité renforcé des gardiens d’immeuble, en lien avec nos processus internes. Au-delà de leur mission de nettoyage, ils ont vocation à recueillir les réclamations, à apporter la réponse aux personnes, à contrôler les interventions de prestataires.
Vous avez aussi évoqué le traitement des demandes…
Groupes de travail internes, 2022-23, Auvergne Habitat
PB : Pour définir le process idéal de traitement des réclamations, nous avons créé des groupes de travail transverses associant acteurs de la relation clientèle, de la comptabilité, de la mise en service des logements, de leur maintenance...
Casser les silos est un défi majeur. Qu’ils aient ou non une relation directe avec les locataires, les collaborateurs ont une responsabilité. Chacun doit comprendre en quoi son action peut impacter un autre service et in fine le locataire, c’est une clé de l’engagement.
Il y a aussi un enjeu de formation : mettre en place un CRC, des processus transverses, ça fait bouger les lignes. La formation vise à accompagner les collaborateurs dans ces changements. Il faut dire que l’après-covid a rebattu les cartes : le recrutement est plus difficile.
Les salariés restent engagés mais ne pensent plus systématiquement leur carrière dans la même entreprise et nous devons conserver la culture client et la culture d’entreprise. Les nouveautés sont richesses ; ça nous challenge aussi. Il faut recruter, intégrer, former, toujours plus vite.
Sur le plan environnemental, six limites planétaires ont déjà été franchies. Dans cet enjeu, quel rôle peut avoir l’habitat social, selon vous ?
PB : Exemplarité et Sensibilisation en font certainement partie. La performance de notre parc jusque-là orientée sur l’énergie pour mieux maîtriser les charges des locataires, est aujourd’hui revue à l’aune des enjeux de décarbonation et de confort d’été.
Si notre patrimoine est aujourd’hui classé C en moyenne sur le plan énergétique, nous visons d’éradiquer le patrimoine D, E, F et G d’ici à 2030, en cohérence avec la stratégie bas carbone du groupe Action Logement, plus ambitieuse que la réglementation. Soit +6000 logements à réhabiliter.
La difficulté porte sur les logements éparses. nous avons créé fin 2023 une centrale d’achat dans le cadre de l’inter-bailleurs AURA. Un premier projet, porté par l’inter-bailleurs auvergnats, avec l’appui de AURA Hlm, vise à massifier notre intervention sur le parc individuel des années 80. Un recensement est en cours pour identifier une méthode commune de réhabilitation et organiser une consultation d’entreprises groupée afin d’aller plus vite et de générer des économies ensemble.
Représentants inter-bailleurs AURA autour d'une centrale d'achat commune
Est-ce à relier à votre politique d’achats ?
Les Jodonnes, Issoire, réhabilitation, 2022, Auvergne Habitat
PB : Notre politique inclut un objectif d’économies pour dégager des marges de manœuvres financières. Dans le sillon de notre démarche RSE, elle inclut aussi un objectif social et sociétal notamment au travers de clauses d’insertion dans nos marchés, et un objectif de professionnalisation de notre fonction achat. Cela repose notamment sur des relations de partenariat fortes avec nos fournisseurs, en priorité locaux. Il s’agit d’encourager l’amélioration réciproque des pratiques et de développer l’innovation au service de la qualité, performance et durabilité du patrimoine.
Au-delà des enjeux carbone, quels leviers de durabilité développez-vous ?
Le Capricorne, Clermont-Ferrand, neuf, 2022, Auvergne Habitat
PB : En matière d’économie circulaire, nous sommes plutôt au début d’une histoire, nous avons un rôle à jouer pour favoriser les initiatives locales. Nous intégrons le réemploi à titre expérimental dans nos programmes avec des associations spécialisées, auxquelles nous demandons des diagnostics PEMD pour identifier ce qui peut être récupéré après déconstruction.
Par ailleurs, dans le développement en maîtrise d’ouvrage directe, nous visons d’ores et déjà les exigences du palier 2025, plus exigeant que la RE 2020. Nous contribuons ainsi à accompagner l’appropriation de cette nouvelle norme par les filières du bâtiment. Et progressivement nous adoptons une approche en coût global sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment pour mieux évaluer nos projets et investissements.
Souhaitez-vous partager d’autres défis ?
PB : Nous visons de diminuer notre utilisation de la ressource eau : privilégier des essences végétales moins gourmandes en eau dans nos espaces verts, organiser la récupération de l’eau de pluie en toiture, systématiser les équipements hydro-économes dans les logements, etc. D’autre part, l’objectif est de faire monter en puissance les opérations d’acquisition-amélioration, qui concernent jusqu’alors de petits programmes, et de travailler sur des friches urbaines au service de la sobriété foncière. Nous avons aussi à structurer un plan global d’adaptation au changement climatique, en complément de notre action pour préserver la biodiversité.
