Bureaux et locaux d’activité parisiens transformés en logements sociaux

Photo : Salem Mostefaoui

Photo : Salem Mostefaoui

Dans la capitale parisienne, dense et urbanisée, la réversibilité du bâti existant est une des priorités face à la nécessité d’atténuer le changement climatique tout en répondant à la forte demande en logements. L’optimisation du parc contribue notamment au développement de l'offre de logement social, grâce à la collaboration étroite de la Ville avec le bailleur. Olivier Imbert, directeur de la maîtrise d’ouvrage chez Elogie-Siemp, 3ème bailleur social francilien, témoigne d’une accélération ces dernières années, des projets de transformation d’usage alliés à une exigence environnementale et architecturale.

Publié le 27 mars 2023

Les reconversions du bâti dans votre activité ?

La Caserne des minimes (ancienne caserne de gendarmerie) transformée en logements, crèche, locaux d’artisanat. Paris 3ème. Photo : A.Da Silva

La Caserne des minimes (ancienne caserne de gendarmerie) transformée en logements, crèche et locaux d’artisanat. Paris 3ème. Photo : A. Da Silva

Olivier Imbert : Sur 60% de réhabilitations réalisées, 30% constituent des transformations d’usage au bénéfice de logements sociaux, avec une augmentation marquée ces dernières années. Les opportunités sont apportées par la Ville de Paris qui acquiert le terrain et nous confie le bail emphytéotique (65 ans). La Ville apporte aussi une aide financière aux travaux, plus onéreux dans notre contexte urbanisé dense. L’équilibre économique des opérations repose sur ces attributions pour faire profiter la transformation de locaux d'activité au logement social (objectifs de la Ville : 30% de logements sociaux et 10% de logements intermédiaires). Compte-tenu du coût du foncier, de tels projets en acquisition directe seraient impossibles.

Ces initiatives s’inscrivent en cohérence avec le nouveau PLU bioclimatique de la Ville de Paris (2024-2030) pour préparer la Ville aux évolutions climatiques. Priorité est ainsi donnée à la restructuration du bâti existant et au réemploi des matériaux, plutôt qu’à la déconstruction-reconstruction, tant que le diagnostic structurel le permet. S’inscrire dans le déjà-là vise aussi à préserver le patrimoine de la Ville.

Dans nos projets, nous envisageons aussi le potentiel de surélévation pour augmenter le nombre de logements sociaux mais c’est du cas par cas selon l’acceptabilité de la densification. Plus de hauteur, ce sont aussi des vues coupées, moins de lumière dans les logements. Les pistes sont analysées au regard d’une réflexion plus globale sur le confort d’été en Ville, en lien avec le programme de végétalisation des lieux publics, développés notamment pour lutter contre le phénomène d’îlot de chaleur urbain.

Le diagnostic du bâti, un préalable…

Olivier Imbert : L’impératif est que la structure soit exploitable de manière pérenne. Le projet de transformation en logement doit aussi prendre en compte les exigences d’usage. Volumétrie et sources de lumière sont passées au crible, des déconstructions partielles peuvent intervenir pour créer des vues.

Bureaux rue de Châteaudun transformés en logements, Paris 9ème. Photo : Salem Mostefaoui

Bureaux rue de Châteaudun transformés en logements, Paris 9ème. Photo : Salem Mostefaoui

Nous veillons à ce que nos projets soient développés avec un objectif de performance environnementale (réduction des consommations d’énergie et émissions de Gaz à Effet de Serre, développement de la part d’ENR, des matériaux biosourcés, du réemploi…). Nous veillons aussi à l’isolation acoustique.

En pieds d’immeuble, nous essayons de développer des locaux de commerces ou d’activité afin de répondre au double objectif de la "Ville du quart d’heure" et de l’amélioration du bilan économique de l’opération, les locaux étant gérés par Elogie Siemp.

@Cyril Bruneau

Nous transformons par exemple des garages aériens dont la structure poteaux poutres et les grandes surfaces offrent de larges possibilités d’aménagement. Pour pallier le manque d’ouverture vers l’extérieur, nous sommes amenés à casser les dalles au centre pour créer une cour, sur laquelle donnent directement les pièces à vivre des logements (et les locaux d’activité en rez-de-chaussée).

Dans un immeuble 151 rue du Faubourg Poissonnière (Paris 9ème) en particulier, avec garage à l’arrière, nous avons conservé la structure en U pour aménager une cour intérieure végétalisée, et créé des verrières en façade. Des « grilles d’arbres » offertes par la Ville de Paris composent le dallage de la cour principale, dans une logique de réemploi des matériaux existants et de végétalisation des espaces. Une pompe à chaleur alimente l’ensemble.

Photos : Cyril Bruneau
©Salem Mostefaoui

Les lieux ont parfois une histoire multiple. La transformation peut redonner au bâti son usage d’origine. Ainsi, les bureaux 43 rue de Châteaudun (Paris 9ème) ont retrouvé leur usage de logements, après redistribution des plateaux en étages en logements, et installation d’un ascenseur au lieu de l'escalier de service (favorise l’accessibilité des personnes à mobilité réduite et facilite le quotidien des habitants). Les commerces en rez-de-chaussée ont été maintenus.

Sur ce bâtiment à forte valeur patrimoniale, nous avons ravalé les façades extérieures, récupéré les parquets et radiateurs en fonte, isolé les combles et le bâti par l’intérieur, créé des faux-plafonds dans la grande hauteur pour améliorer l’isolation thermique et acoustique, et installé un double vitrage et du chauffage gaz individuel pour atteindre une double reconnaissance environnementale (certification NF HABITAT HQE, label Effinergie Rénovation).

Photos : Salem Mostefaoui
@Cyril Bruneau

Dans le projet 12 rue Monceau (Paris 8ème), nous avons transformé un bâti industriel des années 30, devenu école primaire, en 24 logements et 1 local d’activité. Ce projet labellisé NF HABITAT HQE a favorisé le réemploi de matériaux existants. Il accueille un jardin de pluie dans la cour intérieure pour la rétention des eaux pluviales, et une toiture aménagée en terrasse partagée avec bacs potagers.

Nous avons déployé deux chaudières numériques, qui réutilisent la chaleur dégagée par des unités informatiques (mini datacenters) en sous-sol pour chauffer l’eau (ECS) des logements.

Par ailleurs, les logements ont été isolés en préservant les façades, et des menuiseries double vitrage en bois ou aluminium ont été installées. La couverture est en ardoise zinc pour partie et toiture-terrasse.

Photos : Cyril Bruneau

En termes de conduite de projets, qu’est-ce que cela change ?

Olivier Imbert : Au-delà des compétences en interne forgées par l’expérience, la conduite d’une opération de reconversion en maîtrise d’ouvrage directe repose sur le choix et la coordination des acteurs projet, notamment architectes et bureaux d’étude spécialisés en réhabilitation.

Nous sommes à l’écoute de leurs idées pour assurer la pérennité de la structure, la performance énergétique et environnementale, et la qualité architecturale. Si les pratiques ne privilégient pas toujours d’apporter une « touche architecturale » en réhabilitation, nous y veillons pour donner une nouvelle vie au bâti en préservant des éléments de son identité. Qu’il s’agisse par exemple de respecter un patrimoine haussmannien, ou de développer un style industriel dans la transformation d’un garage par exemple.

C’est notre responsabilité d’atteindre ce résultat en conception et en réalisation, en prenant en compte les enjeux de réversibilité, de résilience, et en partageant les exigences dès la consultation avec la maîtrise d’œuvre. Un nouveau défi à chaque projet.

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