Le problème, d'où vient-il ? A quoi les organisations attribuent-elles les tensions dans la relation client ? Est-ce différent dans l'habitat social ? Explorons ce qui crée ces tensions et ce qu'elles nous apprennent. Discutons ce qui est dans le pouvoir des organisations pour améliorer la relation client. Christophe Benavent, professeur à l’Université Paris Dauphine-PSL en matière de gestion client, et Jean-Baptiste Suquet, enseignant-chercheur à Neoma Business School dans le domaine du travail et des organisations, sont les invités de DELPHIS le podcast.
Publié le 4 avril 2024
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Partie I. Pour mieux comprendre les tensions dans la relation client...
"Le client en réalité n'existe pas. Un client, c'est une convention que certaines entreprises se fabriquent pour organiser leur management. C'est aussi plus fondamentalement un rôle, et la relation client est une distribution de rôles entre celui qui propose des services ou des biens, et celui qui va les consommer, les utiliser ou les payer. Les tensions peuvent se comprendre quand il y a un décalage entre les rôles qui sont attribués aux clients par l'entreprise, et les rôles dans lesquels eux-mêmes se placent", explique Christophe Benavent.
Et de poursuivre : Dans le secteur de l’habitat social, il y a par ailleurs un facteur à prendre en compte : "on est dans une consommation obligatoire [le logement]. La capacité de contrôle des locataires est nulle, ils n’ont pas le choix [d'habiter ailleurs]. C'est un facteur qu'on ne va pas retrouver si on est dans un domaine comme le loisir par exemple. Quelque chose ne va pas, on peut simplement renoncer à cette consommation. Là, il y a une liberté d'action qu'il n'y pas dans d'autres secteurs".
Les tensions dans la relation client, d'où viennent-elles ? Comment mieux les comprendre ? Quelles spécificités dans l'habitat social ?
PARTIE II. Entrons à l'intérieur d'un organisme. Qu’appelle-t-on communautés d'adaptation ?
"Ce sont les entités un peu informelles, pas forcément faciles à saisir parce qu'elles ne correspondent pas forcément à une équipe dans un organigramme, analyse Jean-Baptiste Suquet. Elles naissent des interactions entre des personnes au sein de l'organisme, rassemblées par un intérêt commun, soit parce qu'elles rencontrent les mêmes problèmes, soit parce qu'elles ont les mêmes objectifs".
Dans le travail, quand la situation n’est pas prévue, il y a besoin de s'adapter. C'est encore plus vrai dans les services parce que justement le facteur d'incertitude est fort. Parmi les usagers, il y en aura nécessairement un ou plusieurs qui ne vont pas réagir comme on s'y attend.
"Ces communautés d'adaptation sont intéressantes à observer parce qu’elles constituent de vrais espaces de régulation. Les études ont montré combien elles permettent aux personnes de faire face aux tensions, aux difficultés. Notamment au travers d’échanges de marques de soutien, de soutien émotionnel. Dans une situation délicate, il y a ainsi des entités qui sont là et qui contribuent à rendre la situation plus soutenable pour tout le monde, surtout dans la durée".
Quels sont les atouts et les limites de ces communautés de pratiques ? Quelle place pour la gestion des émotions dans la relation client ?
Partie III. Relation client et technologies : qui fait quoi ?
"Il faut constater que la relation, aujourd'hui, n'existe quasiment plus au sens d'une relation humaine en face à face", témoigne Christophe Benavent.
"Dans près de 80% des cas, les technologies employées sont le téléphone et le mail. Ainsi quand on parle de gestion de la relation client, aujourd'hui, c'est une relation complètement à distance, qui a une tendance à être de plus en plus médiatisée et abstraite.
La perspective désormais proche, c'est qu'une grande partie de ses interactions avec les clients vont être prises en compte par les machines, l’intelligence artificielle. Ce facteur général conduit à de nombreux changements dans la gestion de l'interaction".
Quels changements sont induits par l'essor continu des technologies ? Quelles (nouvelles) places différenciantes pour les collaborateurs dans la relation client ?
Partie IV. Cercle vicieux ou vertueux de la relation client ?
Une relation est par essence coproduite. La relation client l'est ainsi tout à la fois par le collaborateur et le client. Avec Jean-Baptiste Suquet, nous partageons une analyse miroir de la situation d'un client et d'un collaborateur pour identifier leurs sources de frustrations respectives, potentielles sources de tensions. Parmi elles, certaines ne sont "a priori pas liées à la relation client" mais interfèrent avec elles. Dans la durée, cela alimente un "climat de tension endémique" et joue un "rôle de déclencheur" de tension dans la relation client.
Des paramètres extérieurs aux deux parties, tels des problèmes qui concernent structurellement le territoire, peuvent ainsi être source de tensions. L'organisme doit néanmoins s'efforcer d'inscrire la relation client dans un cercle vertueux. Un enjeu clé pour lui consiste à "prendre en compte la façon dont il traite les employés au contact" et son impact sur la relation client, direct ou indirect, en négatif comme en positif.
De la production d'insécurité au prendre soin, qu'est-ce qui se joue dans la relation client ? Comment s'inscrire dans une coproduction vertueuse quand des paramètres échappent à l'organisme ou sont plus difficiles à formaliser ?