Le Conseil de l’Union Européenne a définitivement approuvé la Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité (CSRD) pour les entreprises. Qu’est-ce qui va changer et quand, sur le plan réglementaire, en matière de reporting RSE pour les organismes de logement social en France ? Au-delà du “reporting”, dans quelle mesure cela constitue-t-il une évolution qui vient challenger les entreprises, en plaçant les enjeux de RSE au cœur de leur stratégie et de leur gouvernance ? En quoi cette nouvelle directive représente-t-elle aussi une opportunité pour les organismes de logement social mobilisés pour un Habitat responsable ?
Publié le 9 décembre 2022
Le 28 novembre 2022, le Conseil Européen a donné son feu vert à la directive sur le reporting de durabilité des entreprises, dite CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Au niveau européen, celle-ci remplace la directive sur le reporting extra-financier des entreprises (NFRD). En France, une fois les nouvelles règles transcrites en droit national, le rapport de durabilité remplacera la Déclaration de performance extra-financière (DPEF). Les nouvelles règles devront avoir été mises en œuvre par les États membres, dont la France, au plus tard 18 mois après la publication de la Directive dans le Journal officiel de l'Union européenne, qui devrait intervenir d’ici fin 2022.
Loin d’être anecdotique, le changement de terminologie - de “reporting extra-financier” à “reporting de durabilité” - reflète le renforcement voulu du lien entre enjeux sociaux et environnementaux ET performance (pérennité) financière de l’entreprise. La nouvelle directive traduit la volonté de renforcer l’intégration des enjeux de RSE au cœur même des modèles d’affaires, de la stratégie et de la gouvernance des entreprises. Elle étend concrètement l’obligation de reporting RSE à un plus grand nombre d’acteurs et d’informations, et met en place des standards harmonisés.
Réglementation : qui est concerné quand ?
Davantage d’entreprises, dont davantage d’organismes de logement social, seront tenues de publier des informations détaillées sur les questions de durabilité.
Approche renouvelée et enrichie
L’élargissement du périmètre d’application s’accompagne d’évolutions significatives du contenu attendu au sein des “rapports de durabilité”. Focus sur trois aspects.
Transparence renforcée
La nouvelle directive vise à harmoniser le contenu des rapports, pour davantage de transparence, de comparabilité des données, et de lisibilité des informations pour les parties prenantes.
Au-delà d’un (simple) exercice de reporting, l’élaboration de ces nouveaux rapports de durabilité doit être l’opportunité d’une réflexion en profondeur des organismes sur leur impact, leur contribution, les risques et opportunités en lien avec les enjeux environnementaux et sociétaux, et leur stratégie face à ces sujets.
Elle interroge sur la méthode : comment prendre en compte ces enjeux dans les arbitrages qui déterminent la stratégie, les plans d’actions, les moyens mis en œuvre ? Comment définir ses objectifs ? Comment piloter et évaluer les actions mises en œuvre, et quelles sont les responsabilités de chacun dans ce déploiement ? Comment partager ces enjeux, avec sa gouvernance, avec son équipe de direction, et l’ensemble des collaborateurs, mais aussi ses parties prenantes ?
Cette évolution vise enfin à rendre le reporting RSE des entreprises plus lisible, cohérent et fiable, avec un niveau d’exigence qui s’harmonise entre informations financières et non-financières. « Nouveau langage partagé », ce cadre réglementaire contribue à mieux répondre aux attentes de transparence vis-à-vis des entreprises, en matière environnementale et sociale.
Un enjeu majeur pour les acteurs dont la mission est d’intérêt général/public, comme les organismes de logement social qui au-delà de l’enjeu de conformité réglementaire, cristallisent des attentes au niveau sociétal sur le reporting de leur impact et sur leur contribution au développement durable et solidaire.
Dans quelle mesure cette évolution va « induire » un niveau d’exigence en matière de reporting voire de stratégie RSE pour l’ensemble des entreprises engagées ? Dans quelle mesure, cette exigence de reporting va accroître la responsabilité de l’ensemble des entreprises, et faciliter la transition vers une économie durable ?
Du point de vue de l’Union Européenne, l’évolution du reporting RSE via la CSRD constitue un des volets de son action pour faire des entreprises des acteurs majeurs du Green Deal européen, et pour accélérer leur transformation face à l’ampleur et l’urgence des enjeux sociaux et environnementaux.
Cette évolution s’inscrit dans un plan plus large, impliquant aussi les acteurs financiers notamment. Eux-mêmes soumis à une obligation de reporting ESG (SFRD), ils devront s’appuyer sur les données des entreprises pour rendre compte de l’impact ESG des investissements négociés (au-delà de leur rentabilité financière). Un enjeu majeur lié à la volonté européenne de réorienter les flux financiers vers des activités/projets durables.
Sources de référence :
- Directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises, Conseil de l'Union Européenne, communiqué de presse, 28 novembre 2022
- La responsabilité sociale et environnementale, rapport 2022 sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants, Autorité des Marchés Financiers
- Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture, 12 décembre 2022, senat.fr